VICHY 2037

Le 10 mai 2005, par Gérard Gouttard dans Compte-rendu de tournoi
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La salle Jacques Lachkar toute proche du Casino venait d’être refaite. Les murs gris étaient désormais ornés de bandes colorées du plus bel effet. Cette année 400 participants s’affrontaient, les meilleurs de la francophonie. La sélection avait été impitoyable ne laissant que les première et deuxième série. Avant d’entrer dans la salle, les participants se soumettaient à la fouille traditionnelle et au détecteur d’ondes variométrix. Le contrôle anti-doping avait lieu dans une salle adjacente. De nouvelles analyses avaient été programmées depuis l’arrivée de la Mézédrine indécelable dans le sang et qui souvenons-nous avait créé le scandale de 2033 où le premier avait été déclassé à la suite des nouveaux examens cellulo-génétiques. Depuis, tout le monde se soumettait de bonne grâce aux précautions de la fédération. Auguste Maniquant, le champion du monde en titre retrouva le pupitre numéro 1, dès qu’il fut assis le numéro et l’écran s’allumèrent. Il vérifia les paramètres, le chrono, la lisibilité de la grille et salua son ami Adrien Levy qui se trouvait à la table à côté. Tous deux étaient issus d’une grande famille de scrabbleurs puisque leurs grands-pères respectifs avaient été champions du monde et de France au début des années 2000. Un mètre les séparait, la distance réglementaire. L’arbitre superviseur, sur son piédestal dominant la salle, vérifiait lui aussi son installation. Il serait assisté de son assesseur chargé de corriger les 400 participants. C’était Mandy Milon qui, en arbitre internationale expérimentée, allait superviser le tournoi. Dans la salle beaucoup de cadets, de benjamins et bien sûr une majorité de juniors. Quelques jeunes Rubis comme Yves Eprinchard et quelques jeunes Emeraudes comme Jean-Pierre Malfois parmi les participants espéraient bien faire bonne figure, Rémy Poulat, jeune Diamant était de ceux-là mais il était fatigué, le dernier stage d’entraînement avait été difficile et les qualifications étaient épuisantes. La partie se jouait au rythme d’une minute par coup ; on était loin des trois minutes réglementaires des débuts scrabblesques du siècle dernier, petit à petit, les instances dirigeantes avaient rogné sur le temps, cela avait commencé au début des années 2000 avec le Championnat de France qui était passé à deux minutes puis les autres tournois avaient suivi. Toute cette évolution s’était somme toute effectuée dans la douceur et ceux qui rechignaient avaient bien été obligés de s’y mettre, d’autant plus qu’il n’y avait plus besoin de remplir fastidieusement les petits papiers que des ramasseurs collectaient ; oui, je sais, c’est vieux tout ça, à présent l’effleurement d’une touche suffit pour entrer le mot désiré et puis toutes les salles sont équipées de terminaux, c’est obligatoire depuis plus de dix ans ! La plus grande révolution vient en quelque sorte d’un gag, plus exactement d’un poisson d’avril qu’avait proposé le stéphanois Gérard Gouttard au début des années 2000 : je vous rappelle les faits, il avait imaginé le remplacement de deux lettres, un D et un M par deux jokers, tout le monde avait bien ri à l’époque mais devant l’impossibilité de départager certains concurrents malgré la réduction du temps, on était revenu à cette idée et la proposition fut adoptée en 2028 un an après la mort de Gérard Gouttard qui, souvenons nous avait connu une fin tragique en succombant à une rupture d’anévrisme lors de la troisième partie du festival de Vichy le 8 mai 2027. Quoi qu’il en soit, de nombreux joueurs finissaient encore au top malgré les vingt parties proposées. L’année dernière, Auguste Maniquant avait gagné le festival d’Aix-les-Bains au top après dix-huit parties. La lumière baissa lentement, la partie allait commencer, un signal discret retentit et la couleur plasmatique changea. Le premier tirage apparut, immédiatement Auguste effleura les touches et le mot s’inscrivit sur l’écran. Toutes les coordonnées s’affichèrent aussitôt selon la méthode Courdioux* et le joueur valida d’un hochement de tête. La partie se poursuivit sur un rythme immuable. Les coups s’enchaînaient à la seconde près. A la fin de la partie, 41 minutes plus tard Auguste était au top comme 348 autres concurrents. Rémy Poulat était à moins 11, ce qui hypothéquait bien sûr toute ses chances d’être dans les 100 premiers, on a rarement vu rattraper 11 points en 19 parties ! La salle se ralluma, Auguste en profita pour se dégourdir les jambes, il avait 16 minutes avant la reprise. Sur l’esplanade Johnny Hallyday qui surplombait le parc les joueurs discutaient, le jeune senior contempla un instant les surgliss** qui se croisaient silencieusement dans le ciel comme de petites libellules. La sonnerie retentit et Auguste Maniquant rentra pour la deuxième partie. Il se sentait bien !
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Gérard Gouttard



* Méthode Courdioux : d’après Emmanuel Courdioux (1950-2035) joueur du Comité du Lyonnais, 1ère série, qui a inventé la saisie informatique telle que nous la connaissons ; une méthode qui avait eu bien des détracteurs au début des années 2000. Pour l’explication de sa théorie, revoir les 643 pages de son mémoire publié en 2007 aux Editions Promochiffres :

« Pourquoi j’ai choisi l’alphanumérique ».

** SURGLISS : Nouveau mot ODS 12. Familièrement SURGLISSEUR. Appareil à lévitation sustentatoire apesanteurique servant aux déplacements individuels. Anagramme de GLUSSIRS (Roches Martiennes à reflets bleutés provenant du cratère Clint Eastwood).

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